Murmures

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Les jardins pour moi font partie de mon être intime. Comme la continuation de mes organes, de ma peau. On ne dit pas par hasard fleur de  peau ?

Depuis toute petite j’entrais dans le royaume végétal et je découvrais ses habitants, ses rois, reinnes, les chevaliers, ses sorcières. Les longues balades de récolte de ces trésors, les plantes médicinales et comestibles, guidée par mon père… Les séjours sur l’île de Mamula où j’ai passé des jours entiers accompagnée par les fleurs  et les mouettes en attendant mon papa et mon frère qui  pêchent sous la mer. Je goutais là, les premières nigelles et les cages d’amour. J’ai baigné mon cerveau dans leur langue en  prenant leur odeur comme leur tentative de me dire des choses improbables. J’ai appris à les respecter. Les premiers murmures  datent de cette période et ils ne se sont  jamais arrêtés.

En arrivant en France, j’atterris à Nantes,  j’ai créé ce livre AMORT qui, depuis sa floraison,  se trouve dans la Trésorerie de Patrimoine de la bibliothèque de la ville de Nantes. Là je l’ai mis en lumière en lui donnant un autre rayon, ce week-end spécialement pour le jardin de Pierre Joubert. Dans son jardin enchanté, comme j’aime dire, je trouve cet esprit de l’île perdue et la paix de mon âme. Pierre rayonne comme mon papa  et il me rappelle les jours de pêche et mes labyrinthes  dans le palais  vert de mon enfance. Pour cette occasion j’invite mes amies à lire le texte que j’ai écrit. Sylvie, Pierre, Martina, Louis, Ahmet, Jonathan et sa tante Caroline disent texte Murmures et ils m’offrent son souffle avec toute leur confiance. Ils le lisent dans sa langue maternelle. Ce sont les langues qui ont marqué ma vie amoureuse et mes voyages, d’où le lien avec l’ouvrage AMORT et cette table installée et ce repas servi dans ce jardin extraordinaire.

Depuis que je suis à Saint Nazaire, sur la côté atlantique, par tradition  on intervient à Saint Marc avec Sylvie Noel, artiste sonore. Lors de ce voyage en binôme avec Sylvie on vous livre nos tripes et on se comprend bien. Sylvie se lance en créant in situ  pendant ma performance accompagnant mes peintures  avec ses compositions. Cette fois je lui livre avec tout mon cœur et respect les voix et souffles et je lui laisse broder le son pendant que je brode mes fils sur les textures gravées. Et on respire ensemble. La création sonore ne contient pas un instrument de musique. C’est tout buccal! Merci Sylvie de sentir mon souffle et de le transformer à ta manière.

Merci à tous mes amours vivants, morts, doux et amers…Merci Sylvie, Pierre, Martina, Louis, Ahmet, Jonathan et Caroline pour donner l’écho à mes pensées. Merci à vous pour me faire sentir géant en me donnant une confiance infinie. 

Le projet est né chez Pierre Joubert autour de l’odeur des roses comestibles,  que vous avez rencontrées en entrant dans cette île paradisiaque, et pas du tout mortelles comme les sept plantes servies sur le table, à repas  de ce week-end. Bonne dégustation!

                                                                              mai 2021